Le 11 mars dernier, Marina Carrère d’Encausse, figure emblématique du paysage audiovisuel français, était l’invitée du journal de 12h13. Elle y évoquait un sujet particulièrement intime et douloureux : la fin de vie. Mais au fil de l’entretien, c’est une autre vérité, plus discrète, plus personnelle encore, qui s’est dévoilée au détour d’une simple phrase du journaliste : “Vous parlez d’Antoine dans votre documentaire, qui n’est plus votre compagnon aujourd’hui.” Une affirmation que Marina n’a pas démentie. Avec pudeur et dignité, elle a laissé entendre que sa relation avec Antoine Meier appartenait désormais au passé.

Antoine Meier, médecin bordelais de renom, avait vu sa vie basculer le jour de ses 65 ans, lorsqu’on lui a diagnostiqué la maladie de Charcot, aussi connue sous le nom de sclérose latérale amyotrophique (SLA). Cette maladie neurodégénérative rare, cruelle et incurable, se caractérise par la dégénérescence progressive des neurones moteurs du cerveau et de la moelle épinière. Elle prive peu à peu le malade de toutes ses capacités motrices : marcher, parler, avaler, respirer… tout devient un combat quotidien. L’espérance de vie, une fois le diagnostic posé, se situe entre deux et cinq ans.

Durant cette épreuve, Marina Carrère d’Encausse s’était montrée présente, attentive, aimante. Elle avait choisi de témoigner dans un documentaire qu’elle a co-réalisé, pour porter la voix de ceux que l’on entend trop peu : les malades en fin de vie, et leurs proches aidants. Elle y racontait sans pathos, mais avec émotion, le chemin parcouru avec Antoine. Son engagement n’était pas que médical ou journalistique : il était humain, profondément personnel.

Pourtant, ce que peu de téléspectateurs savaient jusqu’à cette émission, c’est que Marina et Antoine ne formaient plus un couple. Le lien amoureux s’est peut-être transformé, fragilisé par la maladie, ou par la charge émotionnelle d’un quotidien bouleversé. Nul ne sait ce qui a conduit à cette séparation, et Marina n’a pas jugé bon de s’expliquer sur ce point. Elle a simplement laissé la réalité s’installer, en silence. Et c’est précisément dans cette pudeur que réside toute sa force.

Le départ d’un proche, lorsqu’il est progressif, douloureux et inévitable, peut épuiser même les amours les plus solides. La maladie de Charcot est une épreuve non seulement pour celui qui en souffre, mais aussi pour ceux qui l’accompagnent. Marina, médecin de formation et communicante par vocation, a vécu cette tension entre la science et l’émotion, entre la volonté de soigner et la douleur d’impuissance. Être à la fois soignante, compagne, témoin et citoyenne engagée, c’est un équilibre presque impossible à tenir.

Dans le documentaire, elle ne cache rien de la réalité brutale de la maladie, mais elle n’en fait jamais un spectacle. Elle parle d’Antoine avec respect, tendresse, parfois douleur. C’est un hommage discret, loin de tout sensationnalisme. Marina ne cherche pas à susciter la pitié, mais la compréhension. Elle veut briser les silences, ouvrir un débat essentiel : celui de la fin de vie en France, des droits des malades à choisir leur destin, et du rôle des proches dans cette ultime étape.

Sa séparation d’avec Antoine n’enlève rien à l’amour qu’elle a pu lui porter. Elle montre au contraire qu’aimer, parfois, c’est aussi savoir s’éloigner, respecter ses propres limites, ou accepter que les chemins doivent se séparer, même dans l’épreuve. Cela ne diminue en rien la valeur de ce qu’ils ont partagé. Au contraire, cela montre une humanité profonde, lucide, et une grande dignité.

Aujourd’hui âgée de 62 ans, Marina Carrère d’Encausse continue son combat pour une société plus juste, plus à l’écoute de ses citoyens les plus fragiles. Elle poursuit son travail de sensibilisation, à la télévision comme à travers ses ouvrages. Son témoignage sur la maladie d’Antoine, sur l’amour confronté à la finitude, est un geste courageux. Elle ne cache ni sa peine, ni ses limites, ni ses choix. Et dans cette transparence, elle offre aux autres une parole libératrice.

Il n’y a pas de bonne manière de vivre la fin de vie d’un proche. Mais il y a des façons honnêtes, dignes, humaines de l’accompagner. Marina Carrère d’Encausse, en parlant d’Antoine sans faux-semblants, en assumant leur séparation sans drame ni justification, donne une leçon de vérité. Elle rappelle que l’amour ne se mesure pas à la durée d’une relation, mais à la profondeur du lien qui unit deux êtres, même lorsque ce lien évolue ou se transforme.